• A la suite de l’accord de coopération bilatéral signé le 20 septembre 2011 entre le Bénin et le Congo pour lutter contre la traite des enfants, une quarantaine d’experts des deux pays, se sont retrouvés à Cotonou du 14 au 16 février, pour l’élaboration du plan d’action annuel conjoint. Cette action s’inscrit dans le cadre de la détermination des autorités du Bénin et du Congo à respecter les dispositions du Protocole de Palerme contre la traite transfrontalière des personnes, et à promouvoir le respect de la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE).

    Malgré les avancées faites pour réduire la traite transfrontalière dans les pays de l’Afrique du l’Ouest et du Centre, ce phénomène  persiste, d’où l’urgence de réfléchir à des solutions concertées. De sources officielles au Congo, on estime à 1 800, le nombre d’enfants béninois identifiés dans les grandes villes notamment à Brazzaville et Pointe Noire, qui sont des victimes silencieuses de la traite.

    Au Bénin, l'enquête nationale sur le travail des enfants publiée par l'INSAE et le BIT/IPEC en 2009 révèle que  4 enfants  sur 100 travaillent en situation de traite au Bénin. « Beaucoup de ces enfants sont vendus ou échangés comme de vulgaires marchandises et constituent une main d’œuvre servile et bon marché, ils sont pour la plupart battus, terrorisés, utilisés comme objets sexuels et par conséquent,  forcés à vivre dans l’ombre et l’exclusion. Dans ce contexte, leur enfance leur est volée, leur futur compromis, et ils ne verront pas leurs aspirations à un mieux-être se réaliser», a rappelé à juste titre Dr Anne Vincent, Représentante de l’UNICEF.

    Mme Emilienne Raoul, Ministre des Affaires Sociales, de l’Action Humanitaire et de la Solidarité du Congo, a salué le partenariat qui chaque jour se consolide autour de la protection des enfants et précisé que « l’accord signé avec le Bénin constitue un pas décisif dans l’opérationnalisation des activités de lutte et de normalisation des activités visant la traite des enfants».

    Le  plan d’action conjoint élaboré entre les gouvernements du Bénin et du Congo, comporte  quatre axes et s’articule autour de l’identification, la prévention et la communication, la réhabilitation des victimes, l’investigation transfrontalière, la coopération, le suivi et l’évaluation. 

    S’agissant de la répression qui est trop souvent négligée, Mme Fatoumata Amadou Djibril, Ministre en charge de la Famille du Bénin, met l’accent sur les sanctions qu’encourent les trafiquants : « La traite des enfants ou esclavage des temps modernes est devenue le fonds de commerce de bandes organisées qui doivent être poursuivies et châtiées ».

    Au Bénin par exemple, au cours du premier semestre de 2011, l'Office Central de Protection de Mineurs a eu à traiter 1537 cas d’abus sur les enfants y compris le viol, la maltraitance, la traite, l’enlèvement.  Pendant cette même période, seulement 44 personnes ont été déférées devant la justice pour des infractions commises contre des mineurs.

    Le plan élaboré fait ressortir le caractère intersectoriel de la lutte contre la traite. Il implique ainsi les départements des Affaires Etrangères, de la Famille, de la Justice, du Travail, de l’Intérieur, de la Défense, de la Santé, de l’Education, des Transports, de la Décentralisation et de la Communication des deux pays.

    Afin de s’inspirer de cette expérience de collaboration, le Togo qui est à la fois un pays pourvoyeur et de transit de la traite des enfants, a participé à l’atelier.

    La réunion a pris fin sur un engagement ferme des deux pays à privilégier les actions concertées ainsi qu’une coopération régionale accrue, en vue d’enrayer le phénomène de la traite. Les principaux acteurs de la protection des enfants y compris les ONG nationales  et internationales comme Plan Bénin et Terre des Hommes,  y ont pris part. 
    Pour des informations complémentaires :

    - Jean Lokenga, Chef du Programme Protection, email : jlokenga@unicef.org
    - Gisèle Langue-Menyé, Spécialiste en Communication, email : glangue@unicef.org


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  • Ecrivain, journaliste, cinéphile et libraire, Stéphane Bourgoin est également analyste au Centre International de Sciences Criminelles et Pénales. Il est sans doute le criminologue le plus connu des Français. Considéré comme l’un des plus grands spécialistes internationaux des tueurs en série, il est régulièrement invité sur les plateaux de télévision comme expert en criminologie. Aujourd’hui, il nous livre un article passionnant sur la chasse aux pédocriminels qui s’organise sur internet.
    Cet article, qui date de quelques années, n’en reste pas moins d’actualité et apporte un éclairage intéressant sur le rôle des outils technologiques utilisés par la police dans leur traque des pédocriminels.

    Les pédophiles adeptes de l’espace sauvage qu’est Internet ne perdent rien pour attendre: un nouveau logiciel devrait permettre de les prendre sur le fait. Bill Gates et la GRC sont dans le coup. La chasse est ouverte.
    En janvier 2003, un officier du service de police de Toronto, désemparé devant le manque d’outils technologiques à sa disposition pour combattre efficacement l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, a envoyé un courriel à Bill Gates pour lui demander de l’aide.

    La réponse n’a pas tardé. Microsoft est entrée rapidement en communication avec les policiers de Toronto afin de connaître leurs besoins et élaborer un logiciel permettant de traquer plus efficacement les prédateurs sexuels sur Internet, explique Frank Battiston, de Microsoft Canada.
    Ainsi était lancé début 2005 le Système d’analyse contre la pornographie juvénile dont les policiers Canadiens ont été les premiers au monde à faire usage.

    « C’est une plateforme de collaboration et d’échange d’information. Nous avons travaillé avec les forces policières pour comprendre les enjeux entourant la pédophilie sur Internet. C’est un système mis au point par les enquêteurs pour les enquêteurs. Maintenant, ils doivent travailler ensemble. »

    Pour le pédophile, Internet apparaît comme le terrain de jeu rêvé: dépourvu de frontières, anonyme, riche d’information. Outre qu’ils y échangent quantité de matériel de pornographie infantile, les prédateurs utilisent Internet pour entrer en contact avec leurs victimes par le biais de forums de discussion, fréquentés par des enfants de plus en plus jeunes. La multiplication fulgurante de sites à caractère pédophile, de forums de discussion et d’autres moyens de communication fait en sorte que la lutte dans le cyberespace semble inégale entre les pédophiles et ceux qui les combattent et qui veulent protéger les enfants.

    Mais ce nouveau logiciel risque de bouleverser la donne, poursuit M. Battiston, qui se montre par contre avare de détails quant au fonctionnement du nouvel outil technologique, de crainte de fournir de précieux renseignements aux traqueurs d’enfants.

    « De l’information saisie sur des forums de discussion pourrait se retrouver dans le système automatiquement. Cela aidera l’enquêteur à passer à la prochaine étape. Pour vous donner une idée du fonctionnement du logiciel, imaginez d’un côté des pêcheurs sur un vieux bateau au milieu de l’océan Pacifique avec des outils de pêche en mauvais état. Les seuls poissons qu’ils réussissent à prendre sont ceux qui sautent d’eux-mêmes dans l’embarcation. Les poissons stupides. De l’autre, des pêcheurs dotés d’équipements sophistiqués et de sonars qui repèrent leur prise automatiquement… »

    Les policiers confiants

    « Le nouveau système permet de transférer la puissance d’Internet des mains des prédateurs à celles de la police », déclarait avec enthousiasme le chef du service de police de Toronto la semaine dernière.
    Le nouveau logiciel permet effectivement un bien meilleur échange d’information entre les corps policiers, confirme Gary Belair du Centre national contre l’exploitation des enfants (CNCEE) affilié à la GRC.

    « C’est une banque de données relationnelles qui nous permet de réunir des renseignements tels que l’adresse IP, l’identité d’un individu et nos rapports concernant les enquêtes sur l’exploitation des enfants. Du moment où un enquêteur met une information dans le système, un autre au pays peut l’utiliser et consulter le dossier d’enquête. Cela permet de partager des données qui autrement ne seraient pas disponibles. Les policiers disposent maintenant de plusieurs raccourcis pour faciliter l’échange d’information. On peut saisir un petit bout, un détail, le soumettre au système, et tout à coup on a beaucoup d’information… »

    Ainsi les policiers pourront désormais cumuler et croiser plus facilement les informations pour repérer un pédophile, suivre sa trace et dresser son profil. Auparavant, les services de police du pays travaillaient en vase clos, passant au peigne fin dossiers, photos et autres renseignements qu’ils recueillaient individuellement. Cela rendait l’échange d’information quasi impossible.

    « Avant, on ne partageait pas notre information. On ne se connaissait pas. Nos collaborations se limitaient à des appels téléphoniques entre enquêteurs. Désormais, on a un coffre à outils pour identifier les agresseurs », enchaîne M. Belair.
    La GRC est responsable de l’application nationale du logiciel qui est utilisé à l’heure actuelle par 18 corps policiers. À court terme, ce nombre passera à 26. Déjà une centaine d’enquêteurs de police sont à l’aise avec le système mis en place au début de l’année.

    « L’information concernant les crimes pédophiles nous provient d’autres corps policiers mais aussi du public. Parfois, des parents nous appellent car ils craignent que leur enfant ait été approché par un adulte sur Internet. D’autres s’inquiètent du fait que leur enfant a reçu une photo d’un inconnu. Les pédophiles essaient de développer une relation de confiance avec les enfants en allant sur des forums de discussion pour ensuite leur fixer un rendez-vous, ce qui est interdit par le Code criminel. Aujourd’hui, dès qu’on a une information, on commence à vérifier », précise M. Belair.
    Si le travail des services de police luttant contre l’exploitation sexuelle des enfants consiste en grande partie à traquer, démasquer et traduire en justice les abuseurs, il implique tout autant d’identifier les victimes. L’un ne va pas sans l’autre, continue M. Belair. « Au bout du compte, on veut parvenir à identifier la victime et le suspect. Et si on peut déterminer qu’il y a crime de nature sexuelle, on procédera à l’arrestation. »

    Mr. Belair tient à rappeler qu’il est illégal d’avoir en sa possession une image pornographique d’enfant, de la transmettre et de la produire.
    « Évidemment, l’individu que l’on désire attraper en premier lieu, c’est celui qui produit le matériel pornographique. »

    Peu de statistiques

    Bien peu de statistiques sont disponibles au sujet des crimes sexuels commis contre des enfants au Canada.
    « On n’a pas encore commencé à compiler toutes les statistiques. Mais nous savons que pour l’instant, 50 jeunes victimes ont été identifiées à partir d’enquêtes ou de photos. Et avec le temps, nous allons en identifier plus. »
    Depuis septembre 2003, 63 causes concernant des adultes qui se seraient servis d’Internet pour rencontrer des enfants ont été portées devant les tribunaux enfant.

    « Il y a six mois, on recevait de 50 à 70 plaintes par mois. Aujourd’hui, on en reçoit plus de 100. »
    Le nouvel outil technologique ne fera sans doute pas de miracles et ne mettra pas fin à l’exploitation sexuelle des enfants, admet M. Belair. Toutefois, il permettra aux policiers d’être nettement plus efficaces, croit-il.

    « Je suis convaincu que ça va nous aider énormément. La technologie est un outil; elle n’arrêtera pas tous les pédophiles mais elle éliminera la duplication et accélérera notre travail. On veut être davantage proactif. Et là on s’en va dans la bonne direction. La police de Toronto fait usage du nouveau système depuis quelques mois, et elle a procédé à cinq arrestations qui lui sont directement attribuables. »

    Des pays européens s’étant montrés intéressés au logiciel, Microsoft a indiqué qu’elle injecterait à court terme deux millions de dollars supplémentaires afin de le rendre accessible à travers le monde. »

    Un article de Frédéric Denoncourt publié par Stéphane Bourgoin dans « Au Troisième Oeil ».

    Source : readwriteweb.com

     


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