• ENVIRONNEMENT ET DEVELOPPEMENT DURABLE : SACHETS PLASTIQUES, RICHESSE DES PEUPLES

    Depuis 10 ans, « Qui dit mieux ? », une Ong transforme les sachets plastiques en fin de vie. « Pour la première fois au Bénin », elle forme quinze femmes rurales, grâce à un financement de la mairie de Bessancourt, en partenariat avec la commune de Zê. Objectif : protéger l'environnement et lutter contre la pauvreté

    Nous sommes ici dans la cour de l'école maternelle de la commune de Zê, située à 56 km de Cotonou. Un kolatier offre généreusement son ombrage. Assises sur des bancs combinés aux tables d'écoliers, quinze femmes suivent les enseignements sur la transformation des sachets plastiques en fin de vie. « Il s'agit d'une formation accélérée » explique la formatrice, Mme Grâce Aboh Dotou, présidente de « Qui dit Mieux ? », lauréate du Prix 2002 de l'ONU pour la lutte contre la pauvreté. En face d'elle, les jeunes femmes s'appliquent de façon assidue. La moyenne d'âge : entre 16 et 20 ans. Le crochet dans une main, des lamelles de sachets plastiques dans l'autre, elles s'exercent au tissage de divers objets. Sur une petite table disposée à deux pas de la formatrice, sont exposés : couvre-vers, portefeuilles et porte-clefs, fruits du travail des apprenants après une semaine de formation assidue. S'adressant aux personnalités municipales venues s'enquérir de l'évolution de la formation, Mme Dotou affirme : « Je suis fière des filles. Elles ont la volonté d'apprendre. Elles ont soif d'acquérir le savoir et sont impatientes de le partager avec celles qui n'ont pas eu l'opportunité de prendre part à cette formation de formateurs ». Après la formation accélérée de trois semaines, « les bénéficiaires devront former d'autres femmes dans chacun des neuf arrondissements de la commune de Zê » précise Clément Kotan, Directeur de l'Unité de protection de l'environnement (Upe), une organisation de la société civile de lutte contre la pollution de l'environnement, qui a facilité l'aboutissement du projet de formation des quinze femmes, financé par la mairie de Bessancourt en France.


    L'oiseau rare


    Le projet de formation des quinze de femmes s'inscrit dans le cadre de la protection l'environnement et celle de la lutte contre la pauvreté. Autrement dit, des actions pour un développement durable, fil rouge de toute la politique locale de la mairie de Bessancourt (1). Pour mémoire, le projet est né d'un partenariat entre deux communes. Bessancourt en France, dans le Val d'Oise, qui se situe à 30 km de Paris et Zê au Bénin, à une heure environ de route en voiture de Cotonou. Si Bessancourt a reçu le 06 avril 2004 le trophée du Grand Prix de l'Environnement, une distinction qui couronne ses efforts de créer un développement cohérent et de construire un projet de ville durable, Zê est entrée dans l'histoire de ce partenariat en répondant à un appel de l'Upe qui recherchait une commune à mettre en partenariat avec Bessancourt. Les choses sont allées vite. En octobre 2005, le maire de Bessancourt M. Jean-Christophe Poulet, à l'invitation des autorités locales, se rend à Zê pour travailler avec les élus. A cette occasion, il rassure les citoyens de Zê ne pas vouloir s'inscrire dans « un partenariat folklorique dans lequel les villes du sud sont les dépotoirs de celles du nord ». Lors de la même visite, il engage Bessancourt à soutenir pour 6.000 euros, la formation de quinze de femmes de Zê au recyclage de sachets plastiques. Dix mois plus tard, soit en août 2006, le projet est entré dans sa phase active.


    Transformation


    La technique du recyclage des sachets plastiques suit un processus en plusieurs étapes. D'abord, la collecte des sachets plastiques en fin de vie. Elle peut se faire dans les marchés, dans les poubelles à domicile, sur les places publiques, sur les tas d'ordure, sur des dépotoirs ou tout autre endroit propice. Dans tous les cas, la tâche n'est pas aisée. Madame Dotou se souvient encore des critiques de certaines personnes quand elle avait démarré cette activité il y a dix ans. « Elles me traitaient de folle, estimant qu'une institutrice de mon rang ne devrait pas collecter des sachets en fin de vie. Parmi celles qui ont été initiées, la plupart a trouvé fastidieuse la collecte et a vite fait de raccrocher. Or, dans les sachets plastiques recyclés, il y a de l'argent à gagner... La preuve, mon équipe n'arrive même pas à satisfaire les demandes qui lui parviennent d'un peu partout dans le monde ». Après la phase de la collecte vient celle du nettoyage. Au cours de cette phase et de celle qui précède, des mesures de protection sanitaire sont prises. Les apprenants portent des gants et des cache-nez. Quant au nettoyage proprement dit, elles disposent, aligner, l'une à la suite de l'autre, six bassines remplies d'eau aux deux tiers du volume total. La première sert au rinçage des sachets pour les débarrasser de tous débris. Trois autres contenant de l'eau savonneuse sont destinées à laver successivement les sachets. La quatrième renfermant de « l'eau javellisée » c'est-à-dire, un mélange d'eau et de javel (un désinfectant) sert à rincer à nouveau. Puis, pour une dernière fois, on procède à un rinçage à l'eau simple, avant de passer au séchage. « Lorsque le temps n'est pas ensoleillé, une technique d'aspiration d'eau par des chiffons propres est utilisée pour rendre secs les sachets » explique la formatrice. Les sachets propres ainsi obtenus, selon leur résistance, sont découpés, en lamelles de 2,5 à 4 cm. Ce sont ces lamelles qui servent à la fabrication des napperons, des porte-clefs, des objets d'art, des sacs ....etc.


    Richesse des peuples


    « La Pauvreté Richesse des Peuples ». C'est le titre d'un ouvrage publié en 1977 par le Professeur Albert Tévoédjrè, ancien Directeur général adjoint du Bureau International du Travail (BIT). Trente ans plus tard, l'esprit et le contenu de l'ouvrage restent d'actualité avec la transformation des sachets plastiques en fin de vie. Car cette transformation se révèle aujourd'hui comme une source de richesse à explorer par des milliers de vies humaines. En effet, faire de la transformation des sachets plastiques une activité de développement durable rejoint les préoccupations des acteurs du domaine. D'ailleurs, une cinquantaine d'environnementalistes, de spécialistes de la question de la pauvreté et d'acteurs à divers niveaux de la vie sociale, ont réfléchi en février 2006 à Cotonou sur la stratégie pour intégrer les préoccupations environnementales au document de stratégie pour la réduction de la pauvreté au Bénin. Marcel Baglo, Directeur général de l'Agence Béninoise de l'environnement (ABE) estime qu'« on ne peut offrir le développement aux populations sans en analyser les conséquences sur l'environnement et sur la vie des mêmes populations ». Selon lui, les corrélations de l'environnement et de la pauvreté sont si sérieuses, dans un pays sous-développé tel que le Bénin, qu'il importe d'agir rapidement pour assurer aux populations un avenir optimal. Autrement, pour M. Baglo, les dirigeants auraient échoué dans la mission qui est la leur. C'est pourquoi, estime-t-il, « l'introduction des paramètres environnementaux dans les questions de développement parait essentiel pour la lutte contre la pauvreté ». (2) Un mois avant les réflexions de Cotonou, dans la dynamique de l‘intégration des questions environnementales à la lutte contre la pauvreté et afin que le projet de formation des femmes de Zê soit un projet de développement durable, il a été décidé de constituer une association à Bessancourt. Objectif : accompagner le projet de partenariat entre les deux villes en faisant la promotion des produits fabriqués par les femmes de Zê.


    Ainsi, conformément à l'accord de partenariat entre les deux communes, une boutique verra le jour à Bessancourt où seront exposés et vendus les articles fabriqués à partir de la transformation des sachets en fin de vie. C'est également à partir de ce point focal que se fera la promotion des articles vers d'autres localités voisines de Bessancourt.


    Filière Dotou


    Pour la vente des articles fabriqués à partir de la transformation des sachets plastiques à Zê, l'Upe et la Mairie de Bessancourt ont envisagé un marché d'écoulement. Il s'agit de Bessancourt et les autres villes de France. Mais il y a mieux. Depuis 10 ans que madame Dotou a « découvert le trésor dans la poubelle », elle n'a plus de repos. Après avoir reçu deux prix, l'un des Nations Unies et l'autre en France, les commandes ne cessent de se multiplier. « Je reçois des commandes de partout dans le monde, surtout des Etats Unis. Elles se font par millier. Je n'arrive pas parfois à tout livrer dans le délai. La main d'ouvre est insuffisante ». Cet aveu sur ce qu'il convient d'appeler « la filière Dotou » est une opportunité pour les femmes de Zê en formation. « Ce qui nous réjouit affirme l'une d'elles, ce sont les ouvertures de marchés pour écouler nos articles. La formatrice nous a rassurées de son soutien. Si elle reçoit d'importantes commandes auxquelles elle ne peut satisfaire, alors elle nous solliciterait. Mieux, elle dit qu'elle n'hésitera pas non plus à nous positionner sur d'autres marchés ». Quand on analyse les immenses potentialités d'écoulement des articles fabriqués à partir des sachets plastiques en fin de vie, on peut affirmer que le volet développement durable du partenariat entre Bessancourt et Zê est en marche. A l'instar de madame Dotou et les membres de l'Ong « Qui dit Mieux ? » qui ont découvert le « trésor dans la poubelle », les femmes de Zê sont en quête du trésor par la transformation des sachets plastiques en fin de vie.


    Hippolyte A. DJIWAN


    Sources
     (1) : Thierry Aristhène « Bessancourt et Zé pour un développement durable » www.ville-bessancourt.fr
     (2) : La Pauvreté Richesse des Peuples, Préface de Jean Tinbergen (Prix Nobel) et de Dom Helder Camara ; Les Éditions Ouvrières, Paris 1977.
     (3) : Askanda Bachabi ; « Environnement et stratégie de réduction de la pauvreté au Bénin : Spécialistes et acteurs en conclave à Fidjrossè » www.quotidienlematinal.com, édition du 170206


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