• EN ATTENDANT LA SIGNATURE LES APE APRES 2007 : Continuation temporaire des préférences de Cotonou

    A quatre mois de la signature des  APE, les Organisations de la société civile focalisent leur attention sur le report de l'échéance du 31 décembre 2007. Dans ce  débat peu d'attention est accordé aux  différentes alternatives qui peuvent exister en cas de non-ratification des Ape. 

    Au Bénin, la Plate-forme des acteurs de la société civile (Pascib) continue de « tirer la sonnette d'alarme pour attirer l'attention  des décideurs sur la nécessité de faire de l'approfondissement du processus d'intégration régionale un préalable à la signature de l'APE ».  Par conséquent, la demande pour le report de la signature des APE s'accentue et se généralise aux gouvernants. « Les APE constituent une question urgente de nos Etats. Si nous allons à cette ouverture sans suffisamment de préparation, ce sera nuisible à nombre de nos secteurs économiques et sociaux». affirme le premier ministre burkinabè Tertius Zongo.  Les ministres des affaires étrangères de l'Union africaine  restent quant à eux dans la même logique.

    En effet, en juin dernier à Accra, à l'issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères, en prélude au sommet des chefs d'Etat de l'Union africaine, il a été jugé « peu probable de régler toutes les questions en instance et qu'il est impossible d'achever le processus de ratification des Ape d'ici la fin de 2007 ». Tous les avis convergent donc vers un report. Mais ce sur quoi très peu de gens sont informés, c'est ce qui adviendra si l'Union européenne acceptait de reporter la signature des APE.

    Selon un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères du Bénin « Si les APE ne rentrent pas en vigueur le 1er janvier 2008, il y aura un vide juridique dans les relations entre les pays ACP et l'Union Européenne». Ce qui n'est pas forcement l'avis d'Eric Hazard pour qui « l'absence d'un Ape entre les deux parties ne signifie pas nécessairement l'absence d'accord».

    Dans ces conditions, que va-t-il se passer concrètement en l'absence de l'APE ?
     « Ce que nous savons, c'est que l'entrée en vigueur des APE à compter du 1er janvier 2008 va affaiblir nos économies et soumettre les productions locales à une concurrence libérale. Les médias en parlent abondamment et  des Ong organisent  des ateliers pour  en parler. Mais personne ne nous dit  ce qui va se passer si les accords ne sont pas signés. Est-ce que cela signifie que les affaires vont s'améliorer, que nous allons exporter plus notre ananas sans trop de problème  ou encore que les produits importés comme le sucre, le lait ou le riz vont coûter moins chers et que le gouvernement va augmenter le salaire des travailleurs?» s'interroge Noukpo Mathias, assistant d'un producteur d'ananas dans la région de Sékou à une quarantaine de kilomètres de Cotonou.

    Il existe plusieurs scénarios avec des options différentes pour gérer cette phase des relations de partenariat entre les deux parties souligne Eric Hazard. Pour lui, « la continuation temporaire des préférences de Cotonou après 2007 reste l'option la plus pratique, puisqu'elle permettrait la continuation de la négociation d'un Ape le temps nécessaire sans affecter le régime actuel de préférences et donc les flux commerciaux. De plus, aux vues des procédures de l'Omc, il n'y a pas de risque d'éventuelles sanctions commerciales avec l'Omc si un Ape est effectivement conclu dans un délai raisonnable. »

    En réalité, très peu de  personnes  physiques ou morales se penchent sur ce qui va se passer si l'APE n'entre pas en vigueur le 1er janvier 2008. Mais si la question est très peu abordée par les institutions  en Afrique de l'ouest, la Commission européenne soutient quant à elle que si « les six régions en négociation ne signent pas les APE d'ici fin décembre 2007, elle ne poursuivra pas l'octroi des préférences au titre des accords de Cotonou. » explique Eric Hazard, d'Enda Tiers Monde qui estime  que cette «  option serait coûteuse en termes d'impact sur les flux commerciaux dû à la perte de préférences, et est donc politiquement peu crédible ».

    Hippolyte DJIWAN

    Encadré : Les alternatives aux APE 

    D'abords l'option du Système Général de Préférences (SGP) aurait pour conséquence directe de limiter l'accès des pays de l'Afrique de l'Ouest au marché européen dans le cadre des conditions préférentielles. Concrètement, cela signifie que les produits des pays non Pma d'Afrique occidentale exportés sur le marché européen feraient l'objet de droits tarifaires additionnels fortement pénalisant pour au moins trois pays, que sont la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Nigeria. Les 13 Pma de la région pourraient se trouver aussi pénaliser en raison des règles d'origine plus restrictives dans le cadre du Système Général de Préférences "Tout-sauf-les-armes que pour l'Accord de Cotonou.

    Afin de limiter la perte de préférences pour les pays non Pma, l'Ue pourrait offrir un système de préférences Sgp+, qui assurerait à tous les pays Acp non Pma un niveau élevé d'accès aux marchés pour leurs exportations, au-delà de l'expiration des préférences de Cotonou. Le Spg+ est actuellement limité aux pays en développement non Pma qui satisfont des critères précis de développement et de gouvernance (notamment en matière de développement durable). Ces critères devront être revus afin de permettre aux pays Acp de bénéficier du Spg+ d'ici 2008.

    Une telle réforme peut être peu justifiée si la période nécessaire au-delà de 2007 pour conclure un Ape reste relativement courte. Mais quelle que soit la complexité politique et administrative de sa mise en œuvre, d'ici à la fin 2007, ce scénario demeure possible. Il requiert d'abord une volonté politique suffisante de la part de l'Ue pour permettre aux pays de la Cedeao et Acp en général d'en bénéficier.

    Ensuite, il y a l'option de  la continuation du régime de Cotonou. Dans ce cadre, les deux parties conviendraient de prolonger le régime transitoire de préférence de l'Accord de Cotonou afin de permettre d'achever les négociations dans un délai raisonnable. Cette perspective permettrait de gagner un temps précieux, mais elle nécessite une extension au-delà de 2007 de la dérogation relative au régime commercial préférentiel de Cotonou obtenue à l'Omc en novembre 2001, ce qui est peu probable. Faute de quoi, un tel scénario pourrait déboucher sur des conflits juridiques à l'Omc (organe de règlement des différends) avec d'autres pays membres de l'organisation. Ces conflits sont potentiellement coûteux en terme politique, de stratégie commerciale, et de crédibilité.

    L'Ue s'étant engagée à respecter ses obligations à l'Omc (ainsi que les pays Acp d'ailleurs), elle ne désire pas s'engager sur une telle voie. La continuation temporaire des préférences de Cotonou après 2007 reste toutefois l'option la plus pratique, puisqu'elle permettrait la continuation de la négociation d'un Ape le temps nécessaire sans affecter le régime actuel de préférences et donc les flux commerciaux. De plus, aux vues des procédures de l'Omc, il n'y a pas de risque d'éventuelles sanctions commerciales avec l'Omc si un Ape est effectivement conclu dans un délai raisonnable.

    Extrait des travaux d'Eric Hazard
    Enda Tiers-Monde


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :