• TIC et Médias au Bénin : Les SMS révolutionnent les émissions interactives

    Depuis l'explosion de la téléphonie mobile au Bénin, l'application des Sms (short message system)  à la radio et à la télévision a révolutionné les émissions interactives. Désormais, les Sms augmentent  les taux de participation aux émissions,  font gagner plus d'argent et réduisent aussi les  diffamations.

    Le mercredi 04 juillet 2007, la télévision nationale du Bénin en partenariat avec l'agence "News and Picture Média" (Pcf/Npm) a diffusé l'édition zéro de l'émission "Priorité Succès". Il s'agit d'un magazine télévisuel consacré à l'éducation. Dans la rubrique « Question du jour », les téléspectateurs sont invités à apprécier la politique en matière d'éducation du chef de l'Etat. « La réaction des téléspectateurs est allée au-delà de notre attente » s'exclame Paul Marie Houessou, Directeur de l'agence Pcf/Npm. Mais le témoignage sur le blog du magazine (http://prioritesucces.over-blog.com) est plus éloquent. « Les téléspectateurs ont fait exploser les boîtes aux messages de l'émission le mercredi 04 Juillet 2007 après la diffusion du N°zéro. Plus de 150 messages enregistrés et une cinquantaine d'appels de téléspectateurs qui ont pensé que l'émission était en direct. Ils sont donc nombreux du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest à vouloir donner leur point de vue sur la question du jour : "Que pensez-vous de la politique du Chef de l'Etat, Dr Boni Yayi en matière d'éducation ?" ». Les réalisateurs de l'émission "Priorité Succès" ont préféré l'envoie des Sms à l'intervention directe dans l'émission par téléphone. Selon Paul Marie Houessou, « cette option se veut un choix qui fait la promotion de l'autocensure interne et du respect des règles d'éthique et de déontologie, car il sera plus difficile de contrôler et d'arrêter un téléspectateur intervenant en direct dans l'émission sur un sujet sensible... ».

    Les précurseurs

    Outre l'agence "News and Picture Média" (Pcf/Npm) qui a adopté les Sms pour rendre son magazine interactif, d'autres chaînes de télévisions utilisent les Sms pour gérer le volet interactif des émissions. C'est le cas de la Télévision Canal 3 TV Bénin qui a imposé l'usage des Sms aux téléspectateurs et auditeurs  pour participer à l'émission à grande audience "Zone Franche". Après une enquête réalisée au téléphone auprès de vingt téléspectateurs choisis au hasard, il ressort que toutes les questions envoyées au cours de l'émission ne sont pas reprises par les deux animateurs. Mais ces derniers font savoir que « l'invité de l'émission répond parfois déjà au cours du débat à certaines questions posées, sur lesquelles il serait inutile de revenir. Mieux, ils estiment que certaines questions envoyées par Sms sont injurieuses ou n'ont aucun lien avec le sujet débattu ». Par conséquent ils s'abstiennent de solliciter l'invité à se prononcer sur ces types de questions. « Nous n'avons pas voulu tomber dans le piège des participants qui monopolisent les lignes téléphoniques ou qui sont parfois payés pour régler des comptes à l'invité sur le plateau comme cela se passe ailleurs » souligne Brice Houssou, l'un des animateurs de l'émission « Zone Franche ».

    Une source de gain

    Les émissions politiques ou sociales interactives ne sont pas les seules où sont utilisés les Sms. Ils interviennent aussi dans des émissions interactives consacrées aux jeux radiophoniques et aux dédicaces. Par exemple, la radio "Océan FM" à Cotonou avait noué un partenariat avec un opérateur Gsm pour ces types d'émission. Dans le cadre de cet accord, chaque Sms envoyé vaut à l'auditeur la somme de 100 fcfa sur laquelle l'opérateur Gsm a un pourcentage et le reste est versé dans le compte de la radio. C'est le même souci qui guide le directeur de l'agence Pcf/Npm M. Paul Marie Houessou qui déclare : « Il y a beaucoup à gagner avec l'appropriation des Sms par les médias. D'abords, ils facilitent l'exercice d'un contrôle sur le contenu des messages que ce soit à la radio où à la télévision. Ceci évite non seulement des procès devant les tribunaux mais aussi d'être rappelé à l'ordre par l'Observatoire de la déontologie et de l'éthique dans les médias (Odem). Mais tout en gagnant sur le plan professionnel, les Sms permettent aussi de gagner de l'argent, car il suffit d'un bon partenariat avec un opérateur Gsm pour gagner au cours d'une émission le salaire d'un journaliste moyen dans le contexte béninois » Dans l'article "Les téléphones mobiles : un nouveau média"  Emily Turrettini soutient que « Les SMS deviennent une source de revenus intéressant pour les chaînes télévisées et sont un nouveau vecteur de fidélisation...Non seulement le public est incroyablement réceptif, mais ces nouvelles formules engendrent des profits. Facturé entre 1 et 5 euros (environ 650 et 3300 fcfa) le SMS, les chaînes partagent les bénéfices avec les opérateurs et autres sociétés impliquées, touchant jusqu'à 25% des revenus ».

    Tirer les leçons du passé

    Dans un passé récent, il était difficile aux médias de professionnaliser des émissions interactives en terme d'autocensure et de respect des règles d'éthique et de déontologie par l'usage des Sms. Les seuls moyens disponibles étant le téléphone conventionnel, l'e-mail ou les courriers postaux. Dans ces conditions l'intervention directe dans les émissions interactives est parfois catastrophique. François Awoudo, ancien président de l'Odem parle « d'émissions interactives émaillées de cafouillages avec des journalistes qui n'arrivent pas toujours à contenir la verve des auditeurs qui interviennent en direct » . Parlant des émissions interactives, Mamadou Ndao, de l'Institut panos Dakar écrit : « De telles émissions sont devenues courantes dans les pays africains qui connaissent un pluralisme radiophonique ; la particularité béninoise réside dans le fait que la télévision aussi est concernée. Sur les stations qui ouvrent leur antenne au public, le risque est toujours réel d'entendre proférer des propos insultants, incitant à la haine, diffamatoires ou qui portent atteinte aux bonnes moeurs... »  (4) Face à de telles dérives, la Haute autorité de l'Audiovisuel et de la communication a pris des sanctions contenues dans sa décision du 10 décembre 2003. Elles vont de la suspension de l'émission sur une période allant d'une semaine à un mois, à la suppression de celle-ci. Les décisions sont prises selon la gravité de la violation. Le cas le plus frappant dans l'histoire des médias du Bénin est la prise de la décision n°05-169/HAAC portant mesure conservatoire au sujet de l'émission « la Grogne matinale » sur Golfe Fm-Magic radio le 02 décembre 2005. Cette décision indique que Golf FM a « laissé des individus proférés des propos à connotation tribaliste et régionaliste sur la chaîne ». Par conséquent, la décision met fin pendant une période donnée à l'émission. Pourtant, selon Maître Désiré Aihou, membre de l'ONG internationale Gouvernance en Afrique, « la Grogne matinale est une sorte de forum de dénonciation des agents corrompus ». Si tant est que l'émission est prisée, il faut orienter les participants en les invitant à faire usage des Sms au détriment des appels directs, pour faciliter le contrôle et une meilleure gestion de la « la Grogne matinale » qui reste l'émission phare de la radio Golfe FM.

    Hippolyte A. Djiwan (Médiaction 2007)


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